Si je vous dis « Hugh Hudson », vous me répondrez sûrement par « Quoi ? » où « Qui est-ce ? ».
Ce réalisateur britannique est à l’origine de trois des plus belles œuvres cinématographiques de ces 40 dernières années, ces trois films les voici : Les Chariots de Feu en 1981 (première réalisation de fiction, Oscar du meilleur film), Greystoke, la légende de Tarzan en 1984 (qui lança la carrière d’un jeune acteur français, devenu aujourd’hui une véritable star; Christophe Lambert) et le magnifique, et pour beaucoup son chef d’œuvre Revolution en 1985 avec un Al Pacino magistral. Si ces deux premiers films lui ont ouvert la voie du succès, Revolution fut, quant à lui un bide financier et critique cuisant, moins grave que La porte du paradis (de Michael Cimino), mais un échec restant un échec, le réalisateur s’est vu perdre la confiance des producteurs et s’est alors lancé dans une carrière plus discrète faite de films indépendants, de courts-métrages et de publicités. Il mettra plus de dix ans pour retrouver cette confiance avec son dernier film en date : Je rêvais de l’Afrique, avec au casting Vincent Perez et Kim Basinger. Film qui fut présenté au Festival de Cannes en 2000. Voici le Parcours d’un génie incompris.
Tel un Terrence Malick, Hugh Hudson est un cador de l’image, chaque plan de ses films est mûrement réfléchi, chaque mouvement et chaque travelling est entièrement maîtrisé (Ce magnifique travelling avant dans Revolution, lors d’une scène de bataille.), oui ce réalisateur à en lui un amour profond du cinéma et il le montre parfaitement. Mais pourquoi un réalisateur si génial a-t-il pu devenir si discret tel Michael Cimino après La porte du paradis ? Retour sur le parcours d’un génie incompris.
Pour le comprendre, voici une biographie de l’homme.
Né à Londres le 25 août 1936, Hugh Hudson tourne dès son plus jeune âge des films amateurs, à tout juste huit ans, il réalise un travail sur l’homme politique Oliver Cromwell, figure importante de l’histoire britannique puisqu’il fut le premier lord protecteur du Commonwealth. Après ses études et son service militaire, il s’installe à Paris à l’âge de 20 ans où il va faire ses armes en tant qu’assistant monteur sur des publicités et des courts métrages documentaires. Dès son retour au pays de sa gracieuse majesté, en 1961, il fonde une société de production cinématographique avec son associé David Cammel, « la Cammell-Hudson associates ».
Jusqu’en 1969, Hudson et Cammell produiront et réaliseront plusieurs courts et moyens métrages institutionnels avant de déposer le bilan. Ne freinant en rien son but, il entre dès 1970 chez RSA Company, la société de production d’un autre jeune réalisateur, un certain Ridley Scott, où il va pendant cinq ans, aux côtés d’Alan Parker et Tony Scott, réaliser des films publicitaires et ce jusqu’en 1975, année durant laquelle il va fonder une nouvelle compagnie de production de films : « Hudson Films Ltd » tout en continuant ses activités de réalisateur de publicités. L’année 1977 est une grande année pour Hudson, en effet, il co-écrit, monte et réalise un premier film documentaire sur le pilote automobile Juan Manuel Fangio intitulé sobrement « Fangio » et fait ses premières armes au cinéma en dirigeant la seconde équipe du film « Midnight Express », chef d’œuvre culte de son ami Alan Parker. Le succès du film de Parker lui permet de se faire remarquer par le producteur David Puttnam, fondateur de la société Enigma égalementresponsable la même année du premier film signé Ridley Scott : « Les Duellistes ».
Puttnam va donc prendre le réalisateur sous son aile lorsqu’en 1980, à l’âge de 45 ans, on lui propose un scénario écrit par Colin Welland racontant l’histoire vraie de deux athlètes britanniques, Eric Liddel, catholique pratiquant et Harold Abrahams un jeune juif, participants tous deux aux Jeux Olympiques d’Eté de 1924 à Paris pour défendre leurs convictions religieuses. Intitulé « Les Chariots de Feu », le film sort en 1981 et est un véritable triomphe critique et commercial, obtenant une pluie de récompenses dont l’Oscar du meilleur film et celui de la meilleure musique (de l’extra-ordinaire Vangelis) en 1982, Hugh Hudson devient l’un des grands espoirs du cinéma britannique.
4 ans passent, Hugh Hudson est devenu l’un des réalisateurs les plus en vues du moment et sa passion pour les grandes histoires l’amène a produire et réaliser sa seconde réalisation en adaptant un monument de la littérature : « Tarzan, seigneur de la jungle », premier tome de l’œuvre d’Edgar Rice Burroughs également auteur du personnage de John Carter. Le film, Greystoke : la légende de Tarzan est certainement la plus fidèle adaptation cinématographique des aventures du célèbre homme singe. Dans le film, Hudson raconte comment ce garçon, devenu orphelin après la mort de ses parents, fut recueilli par une guenon venant de perdre son bébé et ainsi élevé par des singes jusqu’à en devenir le roi de la jungle. Roi de la jungle, sa vie va évoluer le jour où Philippe d’Armont, un explorateur belge, va être sauvé du massacre de son expédition par ce jeune homme impressionnant et attachant avec qui il va nouer une très forte amitié (la magnifique scène du rasoir). Cet explorateur va finir par découvrir l’identité de son sauveur et va alors le ramener auprès de sa famille en Angleterre, où son grand-père, le comte de Greystoke, l’attend depuis toujours.
Le film raconte aussi la rencontre de Tarzan et de son éternel grand amour Jane. Pour ce second film minutieusement préparé, Hudson s’entoure de la fine fleur hollywoodienne. Pour le scénario, il engage l’illustre scénariste Robert Towne (auteur de Chinatown et Mission : Impossible) et engage pour les effets spéciaux le spécialiste du maquillage de singes : Rick Baker, tout juste auréolé d’un Oscar pour « Le loup-garou de Londres« . Côté acteurs, Hudson s’offre les services des meilleurs acteurs britanniques puisque l’on retrouve Ralph Richardson, dans une interprétation émouvante du comte de Greystoke et son acteur fétiche Ian Holm qui campe un Philippe d’Armont admirable, mais ce qui fait la force de ce film passe par l’interprétation du rôle titre campé par un jeune acteur français, habitué jusqu’alors aux petits rôles et dont c’était le premier rôle outre Manche, j’ai nommé monsieur Christophe Lambert (crédité en tant que Christopher Lambert) qui campe ici un Tarzan prodigieux et s’éloignant des clichés habituels. Quant au personnage de Jane, elle est interprétée par une autre jeune actrice; Andie McDowell, qui par sa beauté et sa justesse, illumine le spectateur.
A sa sortie, le film est un nouveau succès commercial et se voit une nouvelle fois nommé dans plusieurs festivals et cérémonies. Le film sera surtout récompensés pour ses maquillages hallucinants et sera nommé pour ses acteurs. Fait rare, lors des Oscars 1985, Ralph Richardson sera nommé en tant que Meilleur acteur dans un second rôle mais… à titre posthume ! En effet, cet immense acteur britannique, alors âgé de 80 ans, décède peu après le tournage du film, en guise de remerciement, Hugh Hudson dédiera son film à cet immense acteur. Désormais, avec deux films et qui plus est, deux succès dans le sac à dos, Hugh Hudson voit son avenir lui sourrir et possède une encore plus grande liberté quant à ses choix artistique.
C’est alors que nous arrivons à ce film très interessant dans la carrière de ce réalisateur prodigieux, car oui, Hugh Hudson est et restera un des plus grands réalisateurs de ce monde, je le dis haut et fort, le film dont nous allons parler Revolution est un film qu’il vous faut absolument découvrir si ce n’est déjà fait !
Nous sommes donc en 1985, Hugh Hudson, heureux réalisateur se lance dans un projet des plus ambitieux sous l’égide de la Warner : un film prenant pour décor la guerre d’indépendance aux Etats-Unis vu à travers les yeux d’un émigrant écossais, Tom Dobb et de son fils, enrôlés contre leur gré dans l’armée américaine pour lutter contre les armées britanniques.
Dôté de moyens très importants, d’un casting d’exception : Al Pacino (dans l’un de ses meilleurs rôles), Donald Sutherland (admirable salopard) et Nastassja Kinski et du producteur de Ragging Bull : Irwin Winkler, REVOLUTION avait tout pour être l’un des meilleurs films de 1985 mais….
Encore une fois, le film impressione tant par la qualité des images : une très belle retranscription du New-York de l’époque, des scènes de batailles minutieusement reconstituées et une interprétation de grande qualité pour Al Pacino, dont on sent l’engagement et l’amour qu’il a vis à vis de ce film. La mise en scène de Hugh Hudson est à la limite de la perfection : le travelling avant lors de l’assaut des soldats anglais où encore ce plan séquence latéral entièrement tourné à l’aide d’une louma à la fin témoigne de l’amour qu’il porte pour ses films et pour le cinéma. Tout porte à croire que ce film va être un nouveau triomphe pour les acteurs et le réalisateur mais le destin va en décider autrement.
Vers la fin du tournage, le montage d’un autre grand film de la Warner débute : « Mission », marquant la seconde réalisation de Roland Joffé avec Jeremy Irons et Robert De Niro (éternel ami et « rival » d’Al Pacino) et dont il part favori pour le Festival de Cannes 1986. Hugh Hudson est alors pressé par le studio de commencer le montage au plus vite afin de concurrencer « Mission ». Devant le peu de temps dont il dispose, Hugh Hudson va être contraint de faire supprimer des scènes importantes et qui seront au final peu bénéfiques quant à l’avenir du film. Lorsque « Mission » remporte la Palme d’Or en 1986, le film « Revolution » est mort-né. Doté d’un montage bâclé et un peu long, le film est un flop total tant sur le plan critique que commercial. C’est alors que les portes vo,t se refermer pour ce réalisateur qui tenait la son chef d’œuvre… Pour ne rien arranger, Hudson voit son film nommé aux Razzies Awards en 1986, coup dur pour le réalisateur qui perd alors toute ses libertés et la confiance des producteurs. Pour la première fois, Hudson goûte à la dure loi hollywoodienne qui dit que si un film est un échec, c’est la faute du réalisateur (ce qui est parfois vrais, j’en conviens, mais pas toujours. « Revolution » en étant la preuve).
Sans toutefois être un cinéaste maudit tel Michael Cimino après l’échec de « La porte du paradis », Hugh Hudson va faire profil bas durant 4 ans avant de se remettre au travail en tournant un film moins ambitieux : « Le carrefour des innocents » dans lequel il relate l’amitié entre un voyou enfermé en prison et d’un docteur. Hudson retrouve pour l’occasion Donald Sutherland et offre à Adam Horovitz (membre des Beastie Boys) son premier rôle au cinéma. Ce film fut projeté au Festival de Cannes 1989 mais en repartira bredouille. Dès lors, Hudson va se faire de plus en plus rare…
Au cours des années 90, Hugh Hudson va alors revenir à ses premiers amours, la publicité et ne reviendra au cinéma qu’en 1998 en dirigeant Colin Firth et Irène Jacob dans My Life so Far (totalement inconnu chez nous). L’année suivante, 1999, est une année importante pour Hugh Hudson puisqu’il tourne un film plus ambitieux avec Kim Basinger et Vincent Perez : Je rêvais de l’Afrique, qui raconte l’histoire vraie d’un couple partant s’installer au Kenya.
Cette histoire d’amour lui permet sa réconciliation avec les producteurs et voit son film présenté au Festival de Cannes 2000 dans la sélection « Un certain regard ».
Les années 2000 sont l’occasion pour pour Hugh Hudson de voir apparaitre le DVD et la restauration de ses films. C’est ainsi qu’il va retrouver Vangelis, Ben Cross, Ian Holm et Ian Charleson pour la présentation restaurée des Chariots de Feu. Mais c’est finalement en 2007 que justice sera faite pour ce réalisateur sous-estimé puisque, près de vingt ans après sa sortie et avec l’aide d’Al Pacino, Hugh Hudson a pu enfin présenter La version définitive de son chef d’œuvre : Revolution sous un montage plus court et avec un son et une image restaurée, le film fut ainsi présenté en plein air à Nice où l’accueil fut triomphal. Hugh Hudson a été vengé.
Par la suite, il est annoncé dans la presse que Hugh Hudson fera son retour au cinéma avec Catalonia, d’après l’œuvre de George Orwell (1984). Malheureusement le projet va rester sans suite.
A ce jour, en 2013, Hugh Hudson n’a plus tourné aucun film depuis Je rêvais de l’Afrique, mais ne perdons pas espoir.
Voilà pour ce long article qui je l’espère vous aura donné envie de vous plonger dans l’univers de ce réalisateur de génie qu’est Hugh Hudson.
Voici donc en quelques mots pourquoi redécouvrir ces 3 films…
– LES CHARIOTS DE FEU – Film ultra-connu certes, mais une véritable leçon de vie.
– GREYSTOKE, LA LEGENDE DE TARZAN – Superbement filmé, avec une interprétation émouvante d’un Christophe Lambert dans le rôle qui l’a lancé.
– REVOLUTION – Tout simplement parce qu’il s’agit de l’un des meilleurs rôles d’Al Pacino et de l’un des meilleurs films jamais réalisés.
Ecrit par Nicolas Théobald
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