Emilie Jolie et moi, c’est une longue histoire qui dure depuis bientôt 40 ans puisque aussi loin que je me souvienne, cette comédie musicale m’a accompagnée de ma plus tendre enfance à aujourd’hui où j’ai eu la chance de pouvoir faire découvrir ce magnifique spectacle à mon petit neveu il y a de cela quelques jours à peine.
Entre rires et larmes, mon petit bout chou de 3 ans a ressenti exactement les mêmes émotions que celles que je ressentais enfant et qui aujourd’hui encore me procurent des frissons.
Voilà pourquoi, j’ai évidemment eu envie d’en savoir plus sur cette relecture 2022 actuellement proposée au Casino de Paris.
J’ai donc eu la chance de rencontrer Jacques Denis, le directeur Prod, mais aussi Charlyne Ribul Conte qui interprète énergiquement le personnage de l’Autruche.
Voici notre interview.
Z : Comment s’effectue le choix des chansons ; celles que l’on gardent et celles qu’on éliminent. Vis-à-vis du conte original, certaines chansons ont été supprimées et cela peut surprendre.
Jacques Denis : Le choix était relativement difficile puisque toutes les chansons sont relativement connues à part égales, hormis L’oiseau ou encore le hérisson, plus que les autres. On a souvent des spectateurs qui se demandent en effet pourquoi il n’y a pas le loup ? Pourquoi il n’y a pas le raton laveur ? En fait, on a voulu faire un format qui s’adapte plus au public de jeunes enfants pour qui une heure c’est déjà beaucoup. On a ainsi découpé le spectacle en deux plus une entracte. Il a donc fallu faire des choix. C’est toujours compliqué d’arriver à un format de deux fois 35 minutes tout en gardant une unité dans l’histoire. C’est à dire qu’il faut relier les chansons les unes aux autres. On a donc cherché à ce que le tout soit fluide. L’oiseau va nous entraîner vers la sorcière, la sorcière va quant à elle nous emmener vers l’extraterrestre A 440 et ainsi de suite. C’est juste une réflexion pour garder une unité dans l’histoire et faire en sorte qu’on ne s’aperçoive pas de l’absence d’autres chansons.
Z : Les dialogues ont été en partie modifiés, notamment du côté du conteur.
Jacques Denis : On se doit de garder cette qualité d’écriture de Philippe Chatel qui impose de garder la ligne de base. Emilie Jolie est une création, une mise en scène de Philippe Chatel et il ne faut pas s’en éloigner, se rapprocher de son esprit et de sa musique. Mais les temps changent et la manière de s’exprimer aussi. C’est donc de petites touches de modernités qui arrivent ici et là. Ainsi les dialogues entre les chansons sont proposés un peu plus dans le second degré. Il y a aussi une double lecture, une pour les enfants, puis un partie pour les adultes, ce qui nous permet tous de rire, mais pas en même temps. Après, les chansons, c’est un symbole. On ne peut pas y toucher, tout simplement.
Z : Donc, est ce que justement la famille de Philippe Chatel a un droit de regard ? Ou est-ce que finalement ils donnent leur confiance aveuglément ?
Jacques Denis : Sa fille est systématiquement impliquée, d’autant qu’elle a inspiré le conte. Elle est venue à la première, mais aussi les semaines suivantes afin de toujours rester en contact avec les artistes qui participent. Cette année est même exceptionnelle, car elle a accepté le jeu de la promotion pur le spectacle, elle qui jusqu’au décès de son père refusait toujours de se mettre en avant. C’était et c’est l’œuvre de son père. Puis les autres membres de la famille sont là aussi, ce weekend on a eu le fils d’Emilie… La famille garde toujours regard sur l’oeuvre. Et si toutefois quelque chose devait leur déplaire, je suis absolument persuadé qu’ils n’hésiteraient pas à nous le dire.
Z : Comment s’est déroulé le casting des différentes « Emilie »
Jacques Denis : On a engagé une directrice de casting spécialisée dans les enfants, parce que c’est quand même pas tout à fait la même chose qu’un casting classique. Parce qu’il faut une confiance de l’enfant, mais aussi des parents. Il faut en auditionner beaucoup parce aussi. On ne sait pas dans quelle mesure ils vont supporter ne serait-ce que de présenter une chanson devant quatre ou cinq personnes à un casting puis des milliers dans une salle de spectacle. On a donc vu plus de 30 enfants pour finalement en retenir 5 parce que la loi française nous impose des rotations systématiques pour leur laisser du repos et ne pas prendre sur leur temps d’école.
Z : Ces jeunes filles connaissaient-elles le conte avant les auditions ?
Jacques Denis : Certaines maman plutôt. Certaines connaissaient les chansons les plus connues aussi comme l’oiseau pour ne citer que celle-là. Quand la directrice de casting leur a dit qu’il y aurait une possible place à envisager, elle leur a envoyé une maquette des chansons qu’elles devaient nous interpréter pour travailler en amont. Le truc fou est qu’elles sont arrivées en connaissant toutes les chansons qu’elles devaient nous interpréter, mais aussi celles des autres personnages. Leur apprentissage était fou.
Z : Est-ce que l’on sent tout de suite ce qui va fonctionner ou parfois on peut être déçu une fois le spectacle lancé… ?
Jacques Denis : On voyait peut être certaines petites filles plus dynamiques au casting qu’elles ne le sont vraiment sur scène, mais c’est parce qu’on ne peut pas mesurer la peur que cela procure de monter sur scène devant 1000 personnes tous les jours. Le rideau se lève devant une salle pleine et il faut y aller. Mais à cet âge là, vous n’imaginez pas la faculté d’adaptation de ces enfants. La première fois, on arrive à l’entracte et on va les rassurer, les encourager et ça y est, c’est fini, elles ont oublié le trac. Elles ont une faculté d’évolution et d’adaptation qui est impressionnante.
Z : Concernant les comédiens adultes, est-ce aussi via casting ou via des des gens qui tournent dans le milieu des comédies musicales ?
Jacques Denis : C’est souvent par relation même si l’on fait quand même toujours des annonces, pour, qui sait, découvrir une nouvelle tête. Mais souvent, on a des artistes qui se connaissent parce qu’ils ont travaillé avec le chef d’orchestre, un de nos directeurs techniques, d’autres danseurs etc. Il y a beaucoup de relationnel dans ce milieu, même si nous passons quand même des annonces, bien sûr.
Z : Merci à vous pour cette rencontre
Jacques Denis : Merci à vous, je vous amène l’autruche.
Z : Comment êtes-vous arrivée sur le spectacle d’Émilie Jolie ?
Charlyne Ribul Conte : Alors moi, c’est ma première saison d’Emilie Jolie parce que ça tourne depuis un petit moment déjà. Et là, moi, je suis un peu la petite nouvelle de la bande. Je suis arrivée sur ce spectacle parce que j’étais juste avant sur Charlie et la chocolaterie. J’y jouais une journaliste d’ailleurs, un peu folle comme ça et le directeur musical était le même que celui d’Emilie Jolie. Et c’est comme ça qu’il m’a parlé du rôle de l’autruche. Il m’avait vue sur scène, il me disait « Ouais, je pense que t’as l’énergie du personnage ». Il y a aussi ce côté un peu jazzy, Broadway que j’aimais bien et comme il savait que je dansais et comme il cherchait cherchait une chanteuse, comédienne, danseuse… Je cochais toutes les cases. Voilà comment je me suis retrouvée à auditionner pour le rôle de l’autruche.
Z : Est ce qu’il y a un autre personnage que vous auriez aimé jouer ?
Charlyne Ribul Conte : En vrai, j’hésite entre deux. Mais j’aurais adoré la sorcière, car elle est pleine de nuances. J’aime beaucoup aussi le personnage de l’Horloge de par son lien avec l’enfant. Sa relation avec Emilie est super tendre et très agréable dans le fait qu’elle l’accompagne. C’est encore une autre énergie et ça m’aurait intéressé aussi.
Z : Le plus dur quand on est sur un spectacle comme ça, est-ce Le chant, la chorégraphie et le chant en même temps ou encore le fait de jouer la comédie ?
Charlyne Ribul Conte : Pour l’autruche, chanter et danser en même temps est un véritable challenge. Je finis le numéro, je n’en peux plus. Quand je sors, je suis hyper essoufflée puisque le numéro est très énergique. Et puis le fait que c’est un seul numéro dans le spectacle, cela signifie que je dois arriver, être à fond dès les premières secondes et ne pas perdre l’énergie. Elle ne se crée pas au fil de l’histoire ; l’autruche doit être à fond pendant cinq minutes. Donc c’est vrai que ça c’est mon challenge.
Z : Le public le plus difficile, est-ce celui des adultes ou des enfants ?
Charlyne Ribul Conte : Je dirais presque les adultes, parce que c’est un personnage qui a été interprété à l’époque par Sylvie Vartan ou encore Maurane. Il y a donc une attente. Je le sens moi, dès que la musique démarre. Dès l’intro, les gens sont hystériques. Ils reconnaissent vraiment le titre et là, on se dit OK, il va falloir y aller. Il y a une certaine pression de ne pas décevoir les enfants de l’époque qui sont les parents aujourd’hui. Après, les enfants sont durs aussi, la nouvelle génération n’est pas évidente. Ils ont beaucoup de tempérament et c’est super chouette quand on les retrouve à la sortie. En général, ils sont assez satisfaits donc c’est chouette.
Z : Vous étiez familière avec le conte ?
Charlyne Ribul Conte : Alors moi, ce n’est pas un conte qui m’a spécialement bercée. Je connaissais par contre La chanson de l’autruche, ce qui est assez rigolo parce que je viens d’une famille de musiciens et c’est un titre assez jazzy qu’on a l’habitude de connaître dans ce milieu. Mais je la connaissais hors contexte. C’était finalement un bonheur pour moi que de découvrir les personnages du conte. Parce qu’on connaît les tubes, bien évidemment. La Chanson de l’oiseau, le hérison, alors que le petit caillou. Je ne connaissais pas du tout son air et tout. C’était une découverte dans le conte.
Z : Par rapport aux enfants, comme il y a plusieurs enfants « Emilie » Comment est ce que l’on s’adapte ? Est-ce que l’on garde toujours la même énergie, car tout est cadré, répété ou pas du tout ?
Charlyne Ribul Conte : Elles n’ont pas du tout la même énergie, ni le même âge. En fait, elles n’ont pas le même rapport au personnage. La plus petite va vraiment avoir ce regard d’enfant que la plus grande aura un petit peu moins. Et le rapport humain entre les deux personnages (Emilie et l’Autruche) n’est pas du tout le même. Il y a même un rapport de taille souvent qui n’est pas le même et qui demande à adapter ma gestuelle. Après moi je trouve ça génial parce que ça nous oblige à être vraiment à l’écoute et en changement permanent au personnage. Il n’y a aucune mécanique et rien ne peut s’installer parce qu’en fait, ce ne sera jamais pareil. On peut ainsi jouer avec une petite fille le mercredi, le samedi on a une autre plus âgée et le dimanche, celle du mercredi revient, mais dans un autre état d’esprit, donc ça, c’est génial. Ça nous force à être à l’écoute. Et en tant que comédien, c’est hyper intéressant parce que finalement le plus passionnant.
Z : Qu’est-ce qui selon-vous rend ce conte intemporel ?
Charlyne Ribul Conte : Je pense qu’il y a déjà la nostalgie des parents. Je pense que ça, c’est vraiment important. Sur le final, les parents chantent plus que les enfants même. Et ça, je pense que c’est de la nostalgie qui fonctionne très bien dans le temps. Il y a aussi la notion de rêve expérimental, c’est un truc qui ne sera jamais dépassé. On est tous amenés à rêver tout au long de nos vies, tout au long de nos âges. Donc, je pense que c’est aussi pour ça que c’est intergénérationnel.
Z : Combien de temps on se prépare à l’avance pour un spectacle comme Emilie Jolie ?
Charlyne Ribul Conte : Je dirais que pour un personnage comme l’autruche, il y a quand même le challenge de la danse, donc il faut quand même une certaine rigueur. Moi, je prends encore des cours de danse, je ne me suis jamais arrêtée. J’ai travaillé aussi sur vidéo, sur les anciennes versions du spectacle et ensuite on a eu une semaine de résidence pour tout finaliser à raison de 4H00 de danse par jour pour monter le tableau avec mes danseuses, Oui, ça représente pas mal de temps. Après c’est un numéro qui, je pense, a besoin de se construire en condition réelle pour attraper l’énergie. Parce que j’ai beau travailler chez moi, c’est une fois sur scène avec les danseuses que le numéro va vraiment prendre vie.
Z : Merci beaucoup pour cette rencontre
Charlyne Ribul Conte : Merci également.
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