Ils nous avait conquis avec son album Valdevaqueros en 2018 et depuis, on ne va pas se mentir, on est incroyablement fan de Fred Nevché si bien que lorsque l’occasion nous a été offerte de faire une interview à l’occasion de la sortie de l’EP The unreal story of lou reed en collaboration avec French 79, nous n’avons pas hésité une seule seconde.
Z : Peux tu nous parler de ce projet qu’est « The unreal story of Lou Reed » ?
Fred Nevché : C’est une traversée littéraire et électronique autour et à l’intérieur de Lou Reed. French79 a composé toutes les musiques originales, j’ai pris en charge la voix, l’écriture et les traductions de quelques chansons de Lou Reed. Mais je ne suis pas le seul à l’écriture des textes. Nous avons décidé avec Simon (French79) de commander des textes à d’autres auteurs, pour multiplier les points de vue et offrir une pluralité de récits, d’écriture aussi. J’ai proposé à Simon un choix d’auteurs dont l’écriture et la sensibilité littéraire me passionnent. Ce sont Blandine Rinkel – chanteuse du groupe Catastrophe qui a sorti un premier roman initiatique et poignant « Le nom secret des choses », Christophe Fiat – poète et performer fantastique passionné de rock’n’roll, Capucine et Simon Johannin – auteur.es d’un roman puissant et cru « Nino dans la nuit », et Ronan Cheneau – auteur de théâtre incroyable de vitalité poétique et politique avec qui j’avais déjà collaboré sur mon album Rétroviseur en 2014.
Je leur ai posé à tous la même question au sujet de Lou Reed, sans qu’ils sachent qui étaient les autres auteurs invités: que reste-t-il aujourd’hui de la transgression que proposait Lou Reed dans ses chansons ou dans son attitude ?
Z : En quoi son histoire est « Irréelle » ?
Fred Nevché : Le titre « The unreal story of Lou Reed » a été trouvé par French79. Il est, à la fois, un aveu – connait-on véritablement une personne ? – et une déclaration d’amour à l’imagination. Le pouvoir de l’imagination. L’imagination qui nous ramène à l’enfance, quand on se prend à rêver à de merveilleuses aventures, à imaginer, au détour d’une rencontre ou d’un son, quand on divague, et qu’on plonge tout entier, le souffle coupé. Quand on rêve aussi de devenir quelqu’un d’autre, un héros. Le vrai Lou Reed ne nous intéresse pas et il ne devrait d’ailleurs intéresser personne. On se fout bien de l’homme qu’il a pu être. En revanche, ce qu’il a projeté en nous de désir, de rêves, de fantasmes, bref, d’imagination, ça oui, c’est passionnant. Et puis ce qui est irréel est bien souvent plus réel que le réel quand on le met en scène dans un film, une photo, un livre.
Lou Reed dans nos chansons n’est pas réel, il est le mythe qu’il a construit de lui-même ou que les autres ont bâti même sans lui. Il est une icône. Il a la puissance d’un personnage de fiction. Il prend l’apparence d’un super-héros. Le super-héros de la poésie rock transgressive venu nous raconter la vie des gens qui hantent les nuits des rues de New York, des Clubs: les trans, les guouines, les pédés, les autres, les drogués, les jouisseurs, les dandys, bref, les « en marge » qui ne sortent que la nuit pour être heureux et échapper au regard de la société sclérosée par la morale et les interdits. Cet autre monde, dans le miroir que nous tend Lou Reed, est lui bien réel et nous renvoie à nous, et nous plonge dedans, d’une façon bien réelle.
Z : A quel moment et pour quelle raison as tu eu envie de te lancer dans un projet dédié à quelqu’un et plus particulièrement à Lou Reed ? Que représente-t-il pour toi ?
À l’origine, cette création est venue du festival « Le Goût des autres » porté par la ville du Havre. C’est Rozenn Lebris, sa directrice artistique, qui m’a proposé de travailler autour de Lou Reed. La ville de New York était à l’honneur cette année-là au festival. Elle connaissait mon travail autour des icônes de la Pop Culture. Elle avait vu « Shooting Stars », ma création autour de Marylin Monroe et Kurt Cobain où j’imaginais leur rencontre au travers d’une discussion à partir de leurs journaux intimes. Je n’aurais spontanément pas travaillé sur Lou Reed. Au départ, nous étions deux, French79 à la musique et moi aux textes et à la voix, cela s’intitulait « Le journal imaginaire de Lou Reed ». Nous avons eu envie par la suite de faire évoluer la création et cela est devenu « The unreal Story of Lou Reed ».
Z : Comment s’est déroulé la collaboration avec French 79
Fred Nevché : Nous nous connaissons depuis mon dernier album « Valdevaqueros » qu’il a réalisé. Nous avons eu envie de poursuivre un peu l’expérience. Comme une envie de ne pas interrompre trop vite quelque chose qui était en train de naître entre nous. C’est vraiment fluide entre nous. Cela va très vite aussi. On se comprend instantanément et on est complémentaire. Les tâches sont claires. Il fait de la musique, je chante. On essaie des choses, on fait un choix, on enregistre. Voilà. On ne perd pas de temps. C’est aussi surtout un garçon extrêmement sensible qui sait instantanément se mettre au service de la personnalité de ses collaborateurs. Il a un immense talent pour cela.
Z : Son travail sur cet EP colle parfaitement avec ton univers, s’est-il adapté à toi ou le tout a fonctionné directement ?
Fred Nevché : On a des points de sensibilité commune, des émotions qu’on partage, je ne saurais pas expliquer… mais il est vrai que son talent est tel que je ne saurais pas vous dire si parfois il n’a anticipé ce qui allait arriver et vous laisse penser que tout se fait dans l’instant, ahahahah… C’est un immense artiste qui possède une grande délicatesse.
Z : Ton superbe album Valdevaqueros remonte à 2018. Faut-il considérer ce projet comme une parenthèse ou comme un réel second projet de Fred Nevché ?
Fred Nevché : Même si cela apparaît comme une parenthèse, j’aime penser que c’est la suite logique de Valdevaqueros. Ou du moins la transition. Comme French79 a réalisé le précédent, nous nous sommes inspirés de Valdevaqueros pour créer celui-ci, on a retenu des choses, expérimenté d’autres.
Z : Peux-tu nous en dire plus sur la version longue (l’album) attendue pour mars. Est-il 100% lié à Lou Reed ou pas du tout ?
Fred Nevché : Absolument. C’est une histoire de bout en bout. Et sur scène, nous assumons totalement l’idée que c’est une création autour de Lou Reed. Il n’y a pas de confusion avec nos répertoires respectifs. Nous ne jouons que les morceaux de cet album. La dimension visuelle a été pensée pour. Nous projetons sur un écran collé à nous, des films que nous avons réalisés avec French79 à partir d’images d’archives ou d’interview ou de paysages. Le tout traité au kaléidoscope et modifié en live. Voilà, bon, ça va faire trois fois qu’on reporte les dates. J’espère que vous pourrez voir quelque chose de ce live un jour. Nous avons fait la création à L’Aéronef à Lille, avec un concert là-bas, puis depuis, bah, on attend… comme tout le monde.
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