C’est dans le cadre d’une journée presse centrée autour du film La troisième Guerre dans lequel il tient le premier rôle, que nos avons eu la chance de pouvoir rencontrer Anthony Bajon.
Acteur à la popularité et à la carrière grandissante, Anthony Bajon est de ceux qui varient les rôles et les performances en campant tour à tour un ex drogué aidé par la prière, un loup-garou en devenir ou encore ici un membre de L’opération Sentinelle dont le but est de surveiller le moindre risque d’attentat au quotidien.
Une carrière riche, variée et grandissante d’où l’une des premières surprises pour nous lors de cette interview, qu’il annonce ne pas encore se considérer comme un acteur.
Voici notre interview complète.
Z : Avec pratiquement 20 films, du théâtre, des clips vidéos et plusieurs courts-métrages en moins de 10 ans, n’êtes vous pas un peu fatigué ?
A : (rire) Non, je commence seulement et j’ai cette chance de pouvoir vivre enfin de mon métier, de pouvoir également choisir les films que je veux faire et même me permettre aussi de refuser ceux qui ne m’inspirent pas. J’ai cette chance de pouvoir donner une ligne directrice à ma carrière et de ne pas me fatiguer en pouvant choisir justement des rôles variés, surprenants et me permettant à chaque fois de prendre le contre-pied sur le projet précédent. Ces choix me permettent ainsi de me renouveler et par la même occasion de renouveler le plaisir.
Z : Dès lors qu’est-ce qui vous attire dans un projet et plus particulièrement dans celui de La troisième guerre ?
A : Moi je suis sensible à plusieurs choses concernant un projet. Je suis sensible au scénario bien entendu, mais aussi au personnage, le réalisateur et les acteurs avec qui je vais travailler. Dans le cas de La troisième guerre, je pouvais cocher toutes les cases avec un personnage intense et complexe, en quête d’identité… Un personnage auquel m’identifier et dans lequel je savais que j’allais pouvoir apporter des choses aussi de par mon vécu. Mais aussi la possibilité de tourner avec Karim Leklou et Leïla Bekhti qui sont d’immenses comédiens aussi. Tout ça, plus la force du scénario, forcément cela donne envie pour un comédien d’aller vers ce genre de projet qui met en avant des choses actuelles et surtout une profession que l’on ne connait finalement pas si bien que ça. Les sentinelles sont dans les rues de Paris, on les croise chaque jour et font partie du paysage alors que finalement on ne s’intéresse pas vraiment à eux.
Z : En effet
A : On ne leur parle pas, on leur sourit à peine alors qu’ils sont quand même là pour nous défendre en cas de problème. Finalement, je trouve qu’on leur manque un peu de considération et leur histoire me touchait dès la lecture du scénario. Tout ceci réunis m’a clairement donné envie de rentrer dans ce projet.
Z : Un choix évident donc
Z : Je suis très complexe comme garçon quand il faut choisir un film. Je fais de grands tableaux avec des « pour » et des « contre », je coche, décoche… Je suis un peu fou parfois.
Z : Est-ce que ce film vous a appris des choses sur Les sentinelles ?
A : Cela m’a permis d’apprendre de quoi était fait leur quotidien, de voir qu’ils pouvaient attendre des journées sans rien faire, simplement attendre qu’il se passe quelque chose et espérer justement qu’il ne se passe rien. Il faut avoir une incroyable patience et une force d’esprit incroyable pour être en permanence sur le qui-vive et espérer ne jamais rien faire… Chaque jour, c’est la même chose et chaque soir ils rentrent à la caserne pour souvent y vivre l’ennui, ne pas souvent voir leurs proches, etc. C’est plus ça que j’ai découvert sur eux.
Z : Quand il faut interpréter un personnage comme Léo, êtes-vous du genre à vous infiltrer pour apprendre, ou à aller avec l’instinct ?
A : Un peu des deux en fait même si je fonctionne beaucoup à l’instinct. Je suis bosseur et donc je travail beaucoup en amont en essayant de bien comprendre et d’intellectualiser les choses, mais aussi de chercher les motivations du personnage. Qui il est, ce qu’il fait, pourquoi il va faire telle ou telle chose… Et une fois sur le tournage, mon but est d’être blindé en informations, de connaître le plus possible mon personnage pour faire un « reset » et finalement aller à l’instinct. Un instinct qui est donc imprégné de tout ce que j’ai appris sur ce personnage et me permet d’être le plus proche de lui, de son instinct.
Z : Après avoir vécu dans la peau d’une de ces Sentinelle, les regardez-vous différemment aujourd’hui ?
A : Déjà j’ai envie de leur dire bonjour, leur sourire au moins et montrer que je suis reconnaissant de leur présence. Bien entendu je n’irai pas taper la conversation ainsi, car ils ne sont pas là pour ça, mais juste leur montrer combien je suis reconnaissant de leur présence et combien on a de la chance de les avoir à nos côtés. C’est une des choses que l’on devrait tous faire un peu plus et donc que je vais faire maintenant. Ce film montre assez bien cette souffrance qu’on peut rencontrer quand on manque de considération et c’est clairement un des messages à retenir de La troisième guerre et que je vais personnellement retenir concernant les sentinelles, mais aussi tous les métiers, tous les univers, pour toutes les personnes.
Z : Nommé en révélation aux césars deux ans de suites (2019 et 2020), peut-on espérer une nouvelle nomination ?
A : Ce n’est plus possible car on ne peut être nommé que par deux fois dans cette catégorie
Z : Comme meilleur acteur alors…
A : Plus tard, qui sait, même si ce n’est pas une finalité en soi. Bien entendu cela fait très plaisir ces prix et voir que le travail est apprécié, mais on ne fait pas ce métier pour ça. Parfois quand on a, comme pour moi, cette sensation d’être illégitime dans ce métier, cela fait du bien de voir que certains considèrent votre travail et vous donnent cette chance de faire ce que vous aimez. Et oui parfois, cela peut passer par des prix aussi… A ce moment-là on se dit, qu’on ne se trompe pas, que l’on est apprécié, un peu reconnu…
Z : Malgré cette belle carrière, vous vous considérez toujours illégitime ?
A : Non, c’est un début pour moi, je ne peux pas parler de « Belle carrière », je bricole moi… Je ne peux pas dire que je suis acteur ! J’espère un jour pouvoir mettre des mots dessus, sur cette carrière, mais je ne me dis pas encore « Acteur ». Juliette Binoche, Tahar Rahim, Reda Kateb, ça c’est des « vrais » acteurs comme des DiCaprio ou Johnny Depp aussi. Ils ont ce statut là, celui d’ « Acteur » et je ne peux et ne veut pas me comparer à ces gens-là. Pour le moment, j’apprend, je travail et qui sait un jour je pourrai dire « Je suis acteur » !
Z : Vous vous considérer comme quoi alors ?
A : Je ne sais pas, j’ai du mal à mettre des mots dessus… Je vis un rêve éveillé en fait ! J’ai cette chance de pouvoir faire ce que j’aime, d’en vivre, de pouvoir rencontrer et donner la réplique à des gens incroyablement talentueux, d’être sous la direction de grands réalisateurs aussi. Dans le fond c’est tout ce qui m’importe. Si après les gens me considèrent comme « Acteur », tant mieux, car cette sensation d’illégitimité est entre moi et moi-même et on s’en fout en réalité de tout ça. Le principal est que le public apprécie mon travail quand il va au cinéma.
Z : Prochain projet ?
A : Je tourne cette nuit le nouveau film de Romain Gavras. Dès que cette journée presse est finie, je file sur le tournage.
Z : Définitivement pas fatigué alors…
A : Absolument pas. Soif de découvrir, de jouer, d’écrire et de réaliser aussi. J’ai mon premier court-métrage qui est actuellement en production et un long métrage en écriture aussi donc de jolis projets à venir.
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