C’est de bon matin, alors que la chaleur commence à arriver que j’ai eu la chance de rencontrer Hipsta dont le dernier Ep vient de sortir.
Tranquillement installé en terrasse d’un snack végétalien, je me suis retrouvé face à un artiste très simple et vraiment agréable.
Voici mon interview.
Z : Que signifie ce nom de « Hipsta » et d’où vient-il ?
Hipsta : Ce nom part d’une blague en réalité. Du fait que j’écoute beaucoup de musique indé, que je porte une casquette et une barbe, rapidement mes potes m’ont chambré en m’appelant le « hipster ». Au moment de choisir un nom d’artiste, j’ai trouvé ça amusant de reprendre ce nom un peu fourre-tout qui finalement ne veut pas dire grand-chose. Puis, selon moi, il n’y a rien de moins Hipster que de s’appeler Hipster. On peut dire que c’est un Anti-nom !
Z : Tu as étudié le violon et évidemment on se dit que tu étais destiné à finir dans « le classique »… A quel moment es-tu passé vers l’électro et la pop ?
Hipsta : Mais j’ai failli finir dans le monde du classique. Je suis allé au bout de mes études et décroché mes diplômes, donc effectivement j’étais destiné à me diriger vers ça. J’ai joué dans des orchestres et je suis resté dans le classique jusqu’à ce moment que l’on appelle « L’âge adulte ». Mon destin était tracé. Puis en grandissant, j’ai découvert le rock via Led Zep et d’autres puis rapidement j’ai eu envie de composer et écrire. C’est ainsi que je suis monté dans l’école « Studio Alice Donna » à Paris pour me perfectionner dans cette voie. Là bas j’ai alors commencé à composer pour d’autres artistes dont Jenifer alors que j’avais à peine 20 ans. On peut dire que c’est ainsi que j’ai été initié à « la musique populaire ». Après avoir écrit pour d’autres, j’ai eu envie de redevenir musicien en utilisant mon bagage classique et mon expérience pop. Je suis devenu ensuite musicien pour des groupes indés et variés qui m’ont quand même emmenés à jouer devant 50 000 Personnes en 2018 au stade kallimarmaro en première partie de Christophe pour soutenir la Grèce. De beaux souvenirs donc en tant que musicien, puis il était temps de monter mon projet…
Z : Avec tous les outils actuels tels que les ordinateurs capables de « composer » à la place de l’artiste. Penses-tu qu’il soit encore nécessaire d’apprendre le classique pour être un bon compositeur ou alors n’importe qui aujourd’hui peut devenir musicien ?
Hipsta : C’est à la fois terrible et à la fois incroyable en effet. Je ne veux pas être fermé à l’idée qu’aujourd’hui les ordinateurs peuvent créer des artistes et des chansons, même si avoir appris la musique apporte une sorte de liberté artistique plus large. D’ailleurs sur ce nouvel Ep « #1 », avec Steve de Shaka Ponk qui a travaillé avec moi, on a justement essayé d’apprivoiser ces nouveaux outils puisque mon précédent EP était plus dans le classique live. J’étais intéressé ici pour découvrir justement comment aujourd’hui on faisait de la musique… Un exercice intéressant, mais flippant. Puis tout ceci pour moi supprime un peu le sentiment d’âme de l’artiste que d’avoir des ordinateurs qui travaillent à notre place. Il faut réfléchir à bien utiliser les outils et ne pas en dépendre.
Z : Revenons un peu sur Jenifer. Comment on se retrouve à travailler pour elle et notamment sur le superbe titre « Le passage » ?
Hipsta : On peut dire que c’est un concours de circonstance. A l’école Alice Donna, j’ai écrit pour de nombreux élèves pour muscler cette pratique et de fil en aiguille, ma première éditrice que j’ai rencontré totalement par hasard dans un bar avec qui j’ai évidemment parlé de mon travail a ensuite écouté le tout et m’a rappelé quelques semaines plus tard pour me dire que Jenifer préparait son second album et voir si cela m’intéressait de proposer quelque chose. Mon auteur et moi avons alors creusé un peu sur le « Qui était Jenifer » pour découvrir dans la presse qu’elle était enceinte. L’idée de « Le passage » est arrivé ainsi. Cela s’est fait très naturellement. Jenifer était très humaine et la rencontre vraiment belle.
Z : Et la suite ?
Hipsta : Ensuite on m’a proposé de composer à nouveau, mais souvent pour des artistes que je n’allais pas rencontrer et cela ne m’a pas donné envie. Je ne comprenais pas la démarche de « Super marché » où on venait picorer partout sans même créer de rapports humains entre les artistes. C’est là que j’ai claqué la porte pour me concentrer sur moi-même. Aujourd’hui je recommence un peu à travailler avec d’autres artistes, mais il est important de se rencontrer pour échanger et pouvoir trouver vraiment ce qui anime l’artiste.
Z : Et l’aventure vraiment Solo, quand as tu eu envie de vraiment te lancer ?
Hipsta : Après avoir joué au stade kallimarmaro, j’ai vraiment eu cette envie de commencer le travail de fond et de vraiment me projeter en tant qu’artiste complet et plus uniquement comme musicien. J’ai eu ce sentiment en étant face à 50 000 personnes que c’était une sorte de point culminant de ma carrière d’indé. Ce genre de moment que l’on ne vit qu’une seule fois. Donc quand on arrive dans une idée d’aboutissement… On cherche à se renouveler et à avancer. Hipsta est donc né après ça.
Z : Ici tu as bossé avec Steve de Shaka Ponk et pour le public on a cette image de groupe un peu déjanté qu’on a du mal à imaginer « posé » en studio. Comment ça se passe avec lui ?
Hipsta : Il faut surtout retenir des Shaka que ce sont des brutes de travail ! Les mecs bossent comme des dingues. Je les ai rencontrés pour un live au palais 12 à Bruxelles quand une première partie s’était désistée en dernière minute. Ils m’ont demandé de venir, ce que j’ai fait et depuis je ne quitte plus Steve qui est devenu un vrai pote. A partir de là, on a commencé à bosser ensemble. Depuis je prends d’incroyables leçons à leurs côtés, car les Shaka bossent sur la musique, mais aussi l’image, la stratégie marketing etc… Ils sont partout et malgré leur popularité, ils continuent de bosser comme s’ils étaient indés, à savoir que chaque membre se charge d’un point précis du projet et ils bossent encore et encore et encore. Ce groupe est un véritable modèle !
Z : Tu publies ici l’EP 1 et on sait déjà qu’un EP2 est prévu avant l’album… Était-ce une obligation passer par les étapes EP avant l’album ?
Hipsta : Oui, aujourd’hui c’est devenu la norme. Le EP est la carte de visite moderne des artistes, plus que « le single ». On peut parler d’une construction. L’EP 1 est une première pierre, le second sera une autre partie des fondations et l’album… La maison ! Ensuite même si j’aime le format « Album », la consommation change et celle-ci est plus rapide aujourd’hui qu’avant donc ce n’est pas idiot que de proposer des choses courtes qui, assemblées, forment une sorte de Puzzle.
Z : Sur cet EP 1 on retrouve deux fois la même chanson (Une classique et une radio edit)… Qui prend ce genre de décisions ?
Hipsta : Là c’est le label qui effectue ces choix tout comme ils ont pris la décision de mettre une inédite sur le vinyle. Cet aspect là, je n’ai pas trop regardé puisque c’est un travail de confiance aussi et leur travail que de réfléchir à ce qui est mieux pour une sortie musicale.
Z : Voilà deux mois que « Miss you » est sorti et… Toujours pas de clip ! Pourquoi ?
Hipsta : Le manque de temps en fait. Je suis du genre à vouloir prendre mon temps pour bien faire les choses et alors que tout semblait en place, quand est sorti l’EP 1, les Shaka m’ont demandé d’assurer leur première partie. Ce n’était pas prévu au départ et forcément je me suis concentré là-dessus. Mais être en tournée demande énormément de temps et l’agenda planifié autour de Miss you et l’aspect commercial de l’EP1 a été un peu mise de côté. A la place je vais me concentrer sur l’EP 2 tout en sortant quand même quelques sessions live de titres du premier plutôt que de me précipiter sur un clip et le faire à moitié.
Z : Et aujourd’hui dans ce monde qui va très vite, tu es encore focus sur l’EP 1 ou es-tu déjà à fond sur l’EP 2 et l’album ?
Hipsta : On les jouera en live donc une fois qu’un disque est sorti, pour moi il doit vivre sa vie et moi me concentrer sur la suite. Mes chansons pour moi c’est comme des photos. On les montre et on les range puis les gens quand ils auront envie de les découvrir ou les revoir y retourneront avec plaisir.
Z : Aujourd’hui on ne vend quasi plus rien ! Des artistes confirmés vont ainsi uniquement vendre 15 000 disques en une semaine et il faut s’en contenter. Toi en tant qu’artiste, as-tu une sorte de seuil de satisfaction vis-à-vis des chiffres ?
Hipsta : Tu sais pour moi aujourd’hui il faut vraiment faire de la musique par passion et non pour l’aspect commercial. Alors si évidemment cela à des répercussion, le côté positif est que les grosses boites se retrouvent à ne plus pouvoir formater certaines choses puisque ce n’est plus automatiquement synonyme de rentabilité facile. Cela permet justement une plus grande liberté artistique aux artistes. Il y a des choses aujourd’hui qui sortent qui, dans l’âge d’or de la musique, ne seraient jamais arrivées, car automatiquement cela aurait été recalibré pour fonctionner en radio, en télé et vendre ! Certes pour certains c’est difficile, mais pour les passionnés, ce n’est pas plus mal. Et si on a ce sentiment que les gens n’achètent plus, cela ne signifie pas qu’ils n’écoutent plus… Au contraire. N’oublions pas qu’il y a aussi une vie autour de la musique et notamment les concerts. Quand j’ai fait ma release party au 1999, c’était complet et ce même s’il n’est pas certain qu’ils aient tous acheté l’EP. Ils sont venus pour l’expérience du Live, écouter de la musique, passer une soirée entre amis et ainsi de suite. L’amour de la musique est toujours là, mais est consommé différemment.
Z : Et est-ce que aujourd’hui on peut vivre de ses concerts ? Comment un artiste gagne-t-il sa vie ?
Hipsta : Oui on gagne entre autre sur le live et c’est pour ça que les tournées des artistes ont tendance à s’étirer de plus en plus qu’avant. On gagne sur la durée ce que l’on pouvait gagner avant en un ou deux concerts complétés par les ventes de cd. Puis quand on est artiste, le live est souvent ce que l’on aime le plus donc pour moi c’est bénéfique à nouveau de pouvoir faire de longues et belles tournées, de rencontrer les gens, de partager ma musique et ainsi de suite. L’authentique finit par gagner à nouveau et le live montre aussi qui est un véritable artiste et pas un produit formaté qui disparaitra très vite. Si tu prends des groupes comme Radiohead, les mecs sont capables de faire de véritables propositions artistiques sur les albums et en live… Ils sont incroyables et te mettent des claques ! On a ici l’exemple d’un groupe fort, de qualité et qui est authentique à 100%.
Z : En tant que personne, plus qu’artiste… Comme tu as connu la gloire du physique, est-ce que la transition vers le « tout digital » et ce sentiment où rien ne nous appartient t’est facile ?
Hipsta : Il m’arrive d’acheter des vinyles en tant que bon Hipster. Blague à part, j’achète moins et pour moi le CD a été le début du déclin puisqu’on commençait déjà à ne pas faire attention à l’objet. J’ai eu des CD qui traînaient sur le sol, sans la pochette, rayés etc et au final cela ne me tracassait pas. Je n’y apportais pas autant de soin que vis-à-vis de ce que je peux en apporte au vinyle. Un cd un peu crado, il tournait encore alors que le vinyle s’il casse, c’est terminé. Je pense que ce serait pas mal sur les services de streaming de redonner un peu conscience aux gens que même s’ils écoutent 100 chansons pour leur abo à 10 euros qu’en réalité cela représenterait une autre valeur dans les années 90, 2000. En gros que les gens ait conscience que ce qui semble gratuit a coûté de l’argent à se faire et leur aurait réellement coûté bien plus sans le streaming histoire qu’ils comprennent la véritable valeur de la musique.
Z : On va terminer par parler de l’EP2: A quoi faut-il s’attendre ? De l’anglais, du français…
Hipsta : Pour l’anglais je me fais aider par un auteur londonien, car même si je parle anglais, évidemment je n’ai pas cette culture, ce sens du rythme et cette richesse que peut apporter un natif de la langue, mais j’admets que j’ai envie aussi de m’exprimer en français depuis un moment donc je pense que l’on va tester ça sur la suite.
Les photos proviennent du Facebook d’Hipsta
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